Aix en Partage

Aix en Partage/ Municipales 2020 Atelier n°2 05.12.2019

MENER LA BATAILLE CULTURELLE ET POLITIQUE : TOUS CAPABLES

La culture n’est pas une catégorie comme une autre de l’action publique. C’est une des conditions de la vie politique, celle qui donne le sens du rassemblement nécessaire pour changer la vie. Pour donner un nouveau souffle à l’imaginaire, à la création artistique et à l’éducation populaire, à la démocratie.
Car notre population, doit s’arracher de son quotidien, s’approprier la mémoire du lieu, pour en faire des lieux, même éphémères.
La situation ne cesse de se dégrader, les éléments du budget du ministère de la Culture de Mme Nyssen et maintenant Mr Riester, sont en réduction et il est faux d’annoncer que ce budget se monte à 10.5 milliards. Tout le reste est constitué des crédits du CNC, de l’audio visuel public, des éléments qui au départ n’étaient pas dans le budget du ministère de la Culture. Les budgets culture des collectivités, communes, intercommunalités, départements, régions dépassent les 7.5 milliards. Ce qui est d’ailleurs intéressant. Car à partir de l’émergence venue d’un peu partout, d’une volonté de créer sur place, d’un rapport au local, nos élus locaux qui ont la compétence partagée, ont-ils répondu aux demandes et aux besoins ? Avaient-ils la volonté politique de mettre la « culture au cœur » du développement social, en termes de démocratie, de citoyenneté ?
Où en sommes-nous sur Aix : à Corsy, à la ZUP, Encagnagne de leur isolement culturel ? A Beisson, quartier qui fut mis à l’honneur avec la venue de Jean-Michel Othoniel en 2014, les artistes ayant travaillé avec ceux qui contribuent quotidiennement à la vie du quartier, ceux qui étaient venu au musée Granet, en délégation lors du vernissage, étant époustouflés de pouvoir avoir accès au musée avec tant de reconnaissance, alors que celui-ci, musée public, leur appartient. Et depuis que reste-t-il, combien y sont retourné ? Autre interrogation : n’est-il pas envisagé par l’administration communale la création d’un EPCC (Etablissement Public de Coopération Culturelle) en vue de gérer le musée Granet ? Le musée ne risquerait-il pas de sortir des compétences purement communales puisque serait créé une structure financée par la commune, la métropole, le département, la région ?
Est-ce bien cohérent alors que la communauté du pays d’Aix a disparu au profit de la métropole, la commune décidant de refaire entrer le musée dans le champ de compétences de la ville ??? De même, en plus des difficultés de gouvernances de chacun, des montants financiers octroyés par les subventions de chacun, le « vaisseau amiral de la culture aixoise » aura aussi à trouver une part non négligeable de ses ressources via des recettes générées par son activité. On peut craindre qu’une désaffection d’un co-financeur ne mettre en sérieuse difficulté l’EPCC, provoquant la forte envie de confier à une entreprise privée (Culture Espace, par exemple) le soin de gérer le musée. La manie, aujourd’hui, est de nominer à des postes publics des technocrates ou des « gestionnaires » du privé, la privatisation et la mise en concurrence avancent à grand pas.
Nos centres sociaux culturels sont en difficultés chroniques, ils se transforment en aide à la personne, deviendraient-ils des Ehpad de la culture ? Où, il faut toujours tout justifier, où cela devient un accompagnement de la misère et où l’action collective se meurt à petit feu. Le rôle des CSC est au cœur de la problématique, alors qu’aujourd’hui, chacun se « la joue perso », c’est une politique culturelle unifiée dont il s’agit de mettre en place, ce ne sont pas des lieux de contre-pouvoir, leur vocation est de fabriquer du citoyen.
Cette vitrine que l’on veut faire briller est en gros décalage avec le réel. Car une des questions qui prédomine est : qui vient des quartiers ? Ce ne sont pas les habitants du quartier du Bois de l’Aune qui en remplissent les gradins, l’élitisme prédomine, et cela est un risque pour les autres structures, CSC JP Coste, CSC des Amandiers, Pavillon Noir, le « système D » s’institutionnalise, le mécénat explose. Sur un ticket d’entrée au GTP on retrouve inscrit : 56,7% de la somme est financé par la commune ??? On pourrait se poser la question : cette répartition d’un tel pourcentage que provoque-t-elle sur les autres structures, cette politique culturelle, elle sert qui au détriment de qui ? Le langage au sein du ministère, dont son délitement organisé fait froid au dos, a évolué ; hier on accordait aux artistes « une aide à la création », aujourd’hui on leur octroie une « aide à la production ». Tout est dit, le message est clair, tout doit être en phase avec « le marché ». Notre municipalité à l’autorité et la possibilité de part ses subventions de favoriser les associations créatrices d’éducation populaire, encore faut-il en avoir la volonté politique.
Ne devons nous pas remettre les questions de l’art, de la culture et de l’éducation populaire, de la reconquête des imaginaires au centre de notre programme Aix en partage ?
Oui, sur notre commune remettons tout à plat, créons des Etats généraux de la Culture pour donner la place à chacun avec au cœur les équipements du territoire. Mettre en acte cette démarche pour réarmer le mouvement social. La culture est une des conditions de la vie politique. En fait, mettre au centre du jeu la question du « sens », sans pessimisme exagéré, mais avec lucidité.
La question des tarifs est elle aussi très importante. Quand dans la Cour d’Honneur d’Avignon est remplie de gens qui ont payé 40 €, on est à peu près sûr de ne pas voir de classes populaires sur les gradins !
A contrario dans le petit théâtre que dirige JL Sagot-Duvauroux à Morsang sur Orge où il a instauré la tarification « ad libitum » (2€, 5€, 10€, au choix du spectateur), il s’établit une accessibilité quasi-totale, au moins sur le plan financier. Cela instaure un rapport complètement différent entre le spectateur et le lieu d’art, où tout le monde est ainsi à égalité réelle.
Les financiers ont mis la main sur les médias. Ce sont eux qui monopolisent les images et le langage. Ils manipulent les mots et nous-mêmes reprenons leurs éléments de langage. Comment peser sur le système médiatique est une question dont l’actualité est on ne peut plus brûlante. La culture, celle de l’émancipation humaine n’a pas de place dans leur projet de déconstruction, où la loi de l’argent doit s’immiscer dans tous les plis, même les plus intimes, de la société. Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) régentent tout, la presse et les médias sont aux mains de quelques milliardaires qui mettent aux ordres les rédactions avec une chape de plomb imposée depuis 2 ans par ce pouvoir macronien sur l’information, véritable frein au pluralisme des idées imposé par ses « chiens de garde ». De part un parlement servile, du fait de la majorité LREM, le vote d’un arsenal de lois liberticides explosent, sur le renseignement, sur le secret des affaires, sur la protection des sources … c’est ainsi que l’on a vu des journalistes convoqués par la DGSI, notamment lors de l’affaire Benalla, les lanceurs d’alerte sont inculpés.
Ils tentent, aussi, de s’en prendre à l’industrie cinématographique : le rapport Boutonnat sur l’avenir du CNC est un pas de plus vers l’assujettissement au « marché » du cinéma français. Bref, ce tissu associatif est aujourd’hui en danger de mort : 25 000 associations ont mis la clé sous la porte au niveau national.
Derrière tout cela se cache en réalité une vision qui tend à déconsidérer la culture pour lui subsister le commerce et le tout nouveau culte marchand des loisirs. Culture ou loisirs : si les 2 sont nécessaires, on voit bien la différence. La première relève d’une responsabilité publique qui vise à permettre son accès à égalité pour chacun et pour tous, quand les seconds relèvent du marché et de la consommation individuelle, avec des inégalités béantes. Les uns sont présentés comme visant à « faire oublier la vie et les difficultés », quand à l’autre vise à nous élargir l’horizon par l’imaginaire et à nous ouvrir les yeux sur la possibilité d’une autre vie.
Les pouvoirs en place adoucissent, enjolivent, abusent de l’hyperbole. C’est ainsi qu’ils réussissent à dissimuler les dominations, à interdire de penser les rapports sociaux, à rendre impossible la contradiction et à désamorcer toute capacité critique.
Que dire de cette image désormais installée par les médias : « otages » pour assimiler les grévistes aux méthodes terroristes, ce qui permet aujourd’hui la judiciarisation de toute action militante. Que dire du fait que le RN a ordonné, à ses militants, de remplacer le mot race par le mot culture ? Ne les laissons pas faire, évitons la banalisation, nous pouvons y arriver, nous y sommes arrivé, notamment lors de leur défilé aux flambeaux, sur le cours Mirabeau, le 30 janvier de chaque année, où ils paradaient en commémorant l’avènement d’Hitler au pouvoir en 1933, oui, nous y sommes arrivé en faisant dissoudre, tous ensemble, leur groupuscule nauséabond par le gouvernement alors que la justice, la police, la maire de notre cité ont été d’un silence assourdissant voire bienveillant à leur encontre.
Le système néolibéral fabrique la peur, le silence des voix et l’inhospitalité. Le libéralisme s’empare des corps et de la communauté par la peur. Il nous impose un régime commun sur le mode de l’affect : la sécurité, la peur, le refus de l’autre, le silence, ne pas parler, ne pas avoir les mots pour dire. Nous sommes réduits au silence. Dans ce système on nous demande nos voix. Ceux qui prennent nos voix nous imposent le silence. Nous perdons de plus en plus nos voix, jour après jour. On nous réduit au silence, entre autre par l’usage assourdissant des images. On ne peut construire des politiques sur du silence. Car une conversation, n’est-ce pas un moment où tout le monde peut être rassemblé et où chacun est le centre du monde quand il prend la parole ?
C’est peut-être là l’enjeu de « l’éducation populaire » dans ce territoire. Car s’il est un mot clé qui l’emporte sur les autres, c’est bien celui-là. C’est dans la rencontre que se manifeste le contenu politique. Faire circuler la parole est une exigence politique. Etre capable de fabriquer de la rencontre, fabriquer de l’autre, du conflit, de la contradiction. Aux échanges, contacts, conférences auxquels j’ai eu la chance de participer, des remarques et des interrogations ont jailli avec toujours comme fil d’Ariane cette interpellation : « l’éducation populaire n’est-elle pas un outil déterminant pour permettre l’éveil des consciences ? »
Dans un monde où les inégalités culturelles persistent, en même temps que les inégalités sociales se creusent, ne faut-il pas affirmer le besoin de poésie et d’artistes ? Mais alors qu’est-ce qui cloche, qu’a-t-on loupé ? Pourquoi, malgré les dispositifs existants dans toutes les cités actives, attentives à permettre au plus grand nombre d’aller au théâtre, au cinéma, au musée, des électeurs basculent-ils et votent-ils RN ? La culture suffit-elle ? C’est quoi la culture pour tous ? Aller au théâtre, au cinéma ? Pour moi, c’est être curieux, apprendre à être curieux.
Or, comme le besoin fondamental d’esprit critique est nié, empêché, c’est de « l’éducation populaire » que permettra de mettre à distance toutes les problèmes y compris la violence du quotidien. Ainsi, ce n’est pas seulement la planète qui est mise en danger, mais l’espèce humaine toute entière. Si les luttes sociales courageuses en cours sont plus que nécessaires, si parallèlement le monde des idées et de la création n’a jamais été aussi fécond, qui a vraiment pris la mesure de l’urgence qu’il y a dès aujourd’hui de mêler ensemble bataille politique et bataille des idées ?
Si l’on ne veut pas risquer de continuer à prêcher dans le vide, il faut que l’idée de « l’accès à la culture » soit au profit des formes nouvelles d’appropriation sociales par les individus et les groupes sociaux. Pour les habitants de notre cité en quête de sens face à leur vie morcelée et précarisée et comme à su le faire, à un moment Beisson. Pour les enfants des écoles en ayant l’ambition d’intégrer les artistes de façon permanente dans le projet éducatif. Pour les salariés dans les entreprises, afin qu’ils inventent eux-mêmes, avec l’aide des artistes, des œuvres et des pratiques artistiques au cœur du lien qu’entretiennent les travailleurs à leur travail, dans la souffrance comme dans la jouissance, dans l’aliénation comme dans l’émancipation, dans tout ce qui constitue aujourd’hui l’être travaillant, l’être produisant. Partout d’ailleurs, pas simplement dans les usines, mais dans les bureaux, les laboratoires, les hôpitaux … Et cela ne peut pas venir « d’en haut » cela viendra essentiellement d’une forte mobilisation du champ culturel en lien avec la société en mouvement. Oui, réinventons une politique culturelle publique.
N’y a-t-il pas un lien direct entre culture, écologie, démocratie, enseignement ? Sommes-nous aptes, toutes et tous, de mener cette bataille culturelle et politique, cette bataille des consciences. Bien sur que oui.
Mener la bataille culturelle et politique, c’est mener la bataille des idées en luttant contre cette société conservatrice et libérale qui n’en finit pas de jouer le jeu de l’extrême droite et réveiller les relents du fascisme en particulier sur notre commune et notre bassin d’emplois, comme je le précisais auparavant.
Mener la bataille culturelle et politique c’est lutter contre l’hégémonie des idées de concurrence, de domination, de compétition, de guerre économique, qui envahit tous les compartiments de notre vie, et travaille à infiltrer notre temps de cerveau disponible et celui de nos enfants.

Mener la bataille culturelle et politique, c’est exister en temps que citoyen, c’est ce donner un autre choix que celui de se résigner et de subir cette politique de récession avec ce « macronisme culturel » qui relève toute à la fois d’une démarche libérale, autoritaire, et même populiste, car celui-ci est bien le bras armé du néo-libéralisme et de la marchandisation de l’art et de la culture.
Mener la bataille culturelle et politique, c’est de nous permettre de se construire intellectuellement, d’affiner sa propre réflexion, de se réapproprier ses désirs et ses rêves.
Aussi ne désertons pas la bataille des idées, des consciences et des imaginaires, rassemblons-nous ! Tout est possible, tous capables.

Antoine DE GENNARO
PCF. Section du Pays d’Aix

Mener la bataille culturelle et politique